wild at heart -- heinrich.

wild at hearti / mai 2036

Tu ne peux pas t'arrêter de rigoler. Tu ne sais même plus pourquoi ; ton esprit est embrumé par l'alcool et l'allégresse de la soirée. Les dernières heures, tu les a passé dans la chaleur du Tipsy Bison, bercée par la musique du guitariste qui s'était installé dans un coin, la conversation de tes nouveaux compagnons, et la bière si délicieuse sur ta langue. Tu ne t'empêchais que rarement de te laisser aller quand c'était possible, parce que tu avais grand besoin de relâcher la pression du quotidien. Sans ça, tu étais une véritable bombe à retardement, et ces soirées animées te permettaient de passer un peu de tout ce tourment dans le creux de ta poitrine. Certainement, ça avait aussi motivé quelques verres de plus de sentir le regard de Miro sur ta nuque, pointu et trop franc, sans que vous ne fassiez le moindre pas l'un vers l'autre pour parler.

Parler. Pff.
Comme si vous en étiez capables.

Ce soir, tu préfères la compagnie d'Heinrich. Il n'est pas là depuis longtemps, il est charmant, et il te fait rigoler. Après avoir un peu abusé de l'hospitalité du Tipsy Bison, vous aviez décidé de filer dans la nuit, profiter de quelques heures qu'il vous restait avant que l'aube ne se lève ; prendre l'air était l'excuse principale, mais tu avais bien senti le regard de Miro sur toi, en quittant le bar avec le bras d'Heinrich bien installé autour de ta taille, et son nez dans ton cou. Tu avais besoin de te changer les idées, et tu avais cru comprendre que le voyageur avait besoin d'exactement la même chose. Pas d'attachement, dans un monde comme celui-là ; tu te sentais en sécurité de ce côté-là. Pour le moment, tu ne voulais que lui sourire, continuer de rire à la blague pourrie qui vous avait fait glousser comme des gamines. Vos pas un peu maladroits, ignorant le fait qu'on pouvait sûrement vous voir des tours de garde et levez les yeux au ciel, tu ne pensais pas à tout ça, tu ne pensais qu'à l'instant.

Tu soupires, laissant retomber ton dos contre un bâtiment qui ne semblait servir à rien. « Shit. » Que tu rigoles. « What are we even laughing about ? » Tu as le délicieux tournis de l'alcool, le sourire un peu hébété, les yeux brillants. Tu regardes Heinrich, malicieuse. « I think we're drunk. » Tu rigoles encore à tes propres mots. Yes, definitely drunk.

wild at heart / mai 2036

Il ne sait plus comment ça avait commencé. Le sourire est toujours là, pourtant — le rire non loin. La malice dans ses yeux, et l'aventure dans son coeur pourtant posé par la dernière semaine à prendre le rythme de la vie en communauté. Aussi adaptable qu'à l'accoutumée, Heinrich avait fait son trou sans broncher. Quelques soirées passées au Tipsy Bison, pour s'intégrer. Les heures à accompagner les patrouilles, pour prouver sa bonne volonté. Une poignée de visite à Jo, pour la rassurer. Une vie plus huilée qu'il ne s'y attendait.

Il en avait pensé s'attarder. Profitant de la vie que Jackson avait à lui offrir, et des compagnies inattendues. Le rire de Nina, en cet instant, lui faisait oublier la possibilité d'une route à reprendre — et il s'y complaisait. Son corps près du sien, dans l'obscurité de Jackson. La peur du noir mise de côté, lumière gardée à proximité. Il y voit ses yeux briller, sa peau pâlir sous la lueur lointaine du projecteur. T'as pas envie de lui résister.

Il n'avait pas senti le regard triste de Jo sur sa nuque, lorsqu'il avait quitté le bar. L'avait saluée, quelques mots échangés, pensant peut-être que c'était assez. Ne lui devant rien, et ne s'imaginant pas capable d'ainsi la blesser. Ignorant sciemment le regard du barman, cependant. Des vues sur Nina, peut-être ? Heinrich ne s'en souciait pas. N'avait pas demandé, non plus. Pas ses oignons.
Tout ce qui importait était sa discussion.
L'ivresse qui avait grimpé.
Les rires échangés.
Elle t'avait fait de beaux yeux,

Et t'avais embarqué.

« Shit. What are we even laughing about ? » Ils ont ralenti. Se sont arrêtés assez loin du bar pour ne pas croiser âme qui vive. Pour l'instant, en tout cas. « I honestly can't remember. » Ça ne l'empêche pas d'en sourire, pourtant. Les yeux vrillés sur elle, l'ivresse lui permettant d'oublier l'étau de la noirceur autour d'eux. « I think we're drunk. » Il s'approche d'un pas. Une main s'appuyant contre le mur, non loin de l'épaule de Nina. « We definitely are. » Le bras assez long pour garder une distance prudente entre eux. Mais ça ne durerait pas. Pas avec toutes les idées que Nina réveillait.
Pas avec tout ce que tu avais envie de lui souffler.

« I haven't had this much to drink in a while. » Il n'aurait pas besoin d'être aussi proche pour le lui dire — mais qu'importe. Les tracas envolés, les mauvais souvenirs balayés. La gueule de bois serait cuisante le lendemain, mais ils survivraient. N'est-ce pas, Nina ? « Are you always as welcoming ? » Il ne l'avait croisée que brièvement, auparavant. Première véritable interaction qu'ils avaient — et ce n'était certainement pas terminé. Pas avec la voix qui baissait, les yeux qui ne se lâchaient pas. La proximité. Son parfum qui te vient.
L'envie de l'embrasser.
Sans trop se poser de questions.
Sans penser à demain.

Qui viendrait bien assez tôt, tu en étais certain.

wild at heart / mai 2036

« I honestly can't remember. » Toi non plus, tu dois l'avouer. Tu t'es laissée porter par l'allégresse de la soirée, le bonheur à ne plus avoir à regarder par-dessus ton épaule, à être seule dans un monde trop cruel. Tu ne l'avais pas été longtemps, quelques semaines, mais ça avait été suffisamment pour créer cette envie d'être entourée, d'avoir une communauté contre laquelle retomber, et Jackson semblait presque irréelle. Une ville entière, des magasins, des maisons, de la bière. Tu n'en revenais pas ; et ce soir, tu te relâchais. De la bonne compagnie à tes côtés, un gloussement au bord des lèvres alors qu'il s'approche.

Tu ne fais confiance à personne, Nina. Pas à Jackson, pas ailleurs. Mais peut-être que tu devrais apprendre un peu. Et en Heinrich, il te semblait voir un peu de toi-même. Voyageur solitaire, avec le regard de ténèbres, qui en avait clairement vu d'autre avant de débarquer. Et vous vous étiez trouvé, là-dedans. Un pas à la fois. Il ne te regarde pas comme si tu étais faible, il ne te regarde pas comme si tu étais vulnérable. Il n'y a rien à gagner, ici, à part un bon moment ou deux, et ça, vous l'aviez compris tous les deux.

Tu ranges tes bras derrière ton dos, tes doigts effleurant la brique, alors qu'il se penche vers toi. Un bras près de ton épaule, et son visage près du tien. Tu souris, les yeux pétillants. « We definitely are. » Tu as envie de tendre le cou et d'embrasser son cou. De se réfugier dans ses bras, sachant que tu pourrais t'y dissimuler. « I haven't had this much to drink in a while. » Tu en rigoles doucement, secouant la tête avec malice. « Me neither. » Et c'est vrai ; longtemps que tu avais bu sans aussi peu te soucier du lendemain. « Are you always as welcoming ? » Y'a quelque chose dans sa voix qui te plaît. Dans sa manière de se tenir là, aussi. De te sonder, de t'observer, sans cacher que tu lui plais. C'est réciproque, et il le sait.

Les regards qui s'éternisent, les léger contacts que vous aviez eu toute la soirée, et tu avais su que tu avais envie de lui. Pour une soirée ou deux, sans compter. « Definitely not. » Tu ricanes un petit peu, poussant sur tes doigts pour te rapprocher de lui, effleurant presque ses lèvres. « But every now and then I find someone worth my time. » Tu le taquines, bien sûr, mais ça t'amuse. Tu tournes légèrement la tête pour aller vers son oreille, glissant une de tes mains contre sa taille. Sa chaleur te fait tourner la tête, son odeur t'enveloppe.  « Why don't you find out how welcoming I can be ? » Tu le murmures dans le creux de son oreille, avide de le voir faire un premier pas. Personne ne peut vous voir ici, et de toute façon, tu t'en fiches.

Tu veux vivre, Nina.
Chaque seconde, les unes après les autres.